Le design suisse occupe aujourd’hui une place de choix sur le plan international. Nos designers, à l’instar d’Alfredo Häberli, Atelier Oï, Jorg Boner ou Big-Game, multiplient les collaborations et sont demandés par des éditeurs du monde entier. Les fabricants helvétiques jouissent d’une aura de qualité inégalée et les créations des diplômés des écoles telles que l’Écal ou la Head sont activement relayées dans les design week internationales et par la presse spécialisée.
Une longue tradition
À l’origine artisanal, le mobilier suisse est entré dans la production en série dès les années 1920. Son inventivité se traduit alors dans des systèmes modulaires aux lignes épurées. Dans les années 1940, Willy Guhl dessine l’une des premières armoires en kit. Hans Bellman entreprend simultanément des recherches similaires à celles du couple Eames sur la production de masse. Et, au travers du concours « Die gute Form », Max Bill caresse l’utopie d’uniformiser la production suisse selon une certaine éthique mathématique, pragmatique et utilitaire.

Loin de l’aspect décoratif des créations italiennes ou françaises voire même scandinaves, le design suisse épure et expérimente, notamment avec des matériaux tels que le béton fibré (Eternit) et l’aluminium (Lehni, etc.). La sobriété intelligente devient rapidement sa marque de fabrique et contribue à son essor. L’innovation des designers est portée par le savoir-faire d’un réseau de fabricants et d’éditeurs. Dans les années 1970 l’ascèse et l’ingéniosité de la bonne forme se poursuit, notamment grâce à USM. Elle provoque par ailleurs des réactions contradictoires avec le design pop et ludique de Trix et Robert Haussmann.

La création contemporaine
Aujourd’hui le design Swiss made conserve cette image de qualité et de sobriété de bon goût, mais aussi le dynamisme créatif, parfois irrévérencieux, qui le caractérise depuis le début du XXe siècle. Toujours à la pointe des développements techniques, il se distingue désormais sur le terrain des nouvelles technologies avec des solutions novatrices pour le bureau et la maison (Lista, Mox, Ruckstuhl, etc.) et dans le secteur de la domotique. Les grandes marques suisses, Vitra, Embru, Horgenglarus, Eternit, De Sede, Thut, Wb form, Wogg ou Ruckstuhlentre autres, occupent toujours le terrain avec souvent des positions de leader dans leur domaine. Bien que, suite aux crises qui ont secoué le marché, les éditeurs historiques tendent à se rassurer avec un catalogue de patrimoine moderne, ils ne renoncent pas pour autant à innover. Si la promotion du jeune design passe d’abord par les écoles renommées et d’importants concours nationaux – dont le Design Preis Schweiz et le Swiss Design Award – les marques ne leur ont cependant pas abandonné le terrain. Elles soutiennent événements et initiatives et intègrent la nouvelle génération à des projets ponctuels. On pense par exemple aux collaborations avec l’Écal (USM, Punkt, etc.) ou au projet zurichois Take a Seat, soutenu par Horgenglarus, où de jeunes designers ont été invités à revisiter les classiques du fabriquant. Désormais, des maisons d’édition plus récentes revendiquent la « swissness », à l’image de Inch Furniture, Mox, Arber, Seledue, Tossa ou Xilobis.
Et demain ?

Le design évolue entre production locale ou artisanale et délocalisation. Le design suisse s’est ainsi adapté aux impératifs d’une économie mondialisée et répond aux paradigmes sociaux actuels avec des démarches multiples. Il n’en a pas pour autant perdu son identité: d’un côté l’ingénieuse sobriété et de l’autre la touche humoristique et ludique. Peut-être est-ce là le secret d’un succès durable.
Le prochain défi à court terme sera sans doute d’évoluer avec les nouveaux modes de consommation, notamment les mutations induites par le E-commerce, mais certains, à l’image de Vitra, qui était en lice pour le rachat de hem au début de l’année, s’y préparent déjà.
Texte: Corine Stübi pour le magazine Espaces contemporains
Légende photo titre: Dreirundtisch et Dreibeinstühle Max Bill, 1949 Photo: Max, Binia + Jakob Bill Stiftung Adligenswil © VG Bild-Kunst, Bonn 2008
Portrait d’éditeurs suisses:

Wb Form produit et distribue des créations contemporaines ainsi que des rééditions d’icônes du XXe siècle comme le tabouret Ulm et la chaise Kreuzzargen de Max Bill, ou encore la lampe nuage de Susi & Ueli Berger.
Photo © wb form

Dans les années 1930, elle commence une longue collaboration avec des architectes d’avant-garde tels que Werner Max Moser, Alfred Roth et Marcel Breuer. C’est ainsi que sont nés les grands classiques qui appartiennent aujourd’hui aux incontournables de l’histoire du design suisse.
Photo © Roland Bernath, Fotografie Architektur, Zürich

Horgenglarus privilégie aujourd’hui encore cette tradition de créativité face aux tendances de production de masse et de délocalisation des unités de production.
Photo © Horgen Glarus

Le fabricant, amateur de modernité, réédite également la chaise en aluminium dessinée en 1953 par Hans Coray.
Photo © Seledue

Photo © Lehni
